Un arrêt fondamental rendu par la Cour de Cassation le 18 décembre 2019 fragilise la protection du chef d’entreprise.
La pratique notariale a mis en avant ces dernières décennies, au bénéfice du chef d’une entreprise commerciale, artisanale et libérale, le régime de la participation aux acquêts, avec exclusion des biens professionnels.
Ainsi, au moment du divorce, les calculs sont effectués en ne tenant pas compte de l’outil professionnel d’un des conjoints. L’idée est d’éviter la vente de l’entreprise pour payer la créance de participation qui serait due à l’autre époux si le bien professionnel n’avait pas été exclu.
Depuis 1965, les praticiens s’interrogent sur la qualification juridique d’une telle exclusion. La première chambre civile apporte aujourd’hui une réponse claire : c’est un avantage matrimonial prenant effet à la dissolution du régime matrimonial.
La conséquence est drastique : en application de l’article 265 du code civil, cet avantage est révoqué de plein droit quand la dissolution du régime résulte d’une décision de divorce sauf volonté contraire du conjoint du chef d’entreprise exprimée au moment du divorce.
Par suite, dans le cadre d’un divorce contentieux, on voit mal pourquoi le conjoint du chef d’entreprise renoncerait à cette révocation de plein droit, sachant que la Cour de Cassation donne à l’article 265 du code civil un caractère d’ordre public, qui, selon les auteurs (not. T. LE BARS et L. MAUGER – VIELPEAU, DALLOZ 26 mars 2020 p. 635), a pour effet d’interdire que la convention initiale écarte son application.
La portée de cette décision est double :
En premier lieu, elle vide le régime de participation aux acquêts avec clause d’exclusion des biens professionnels de tout intérêt. Elle invite d’ailleurs les chefs d’entreprises à faire auditer leur régime matrimonial, la portée de l’arrêt couvrant toutes les stipulations des contrats de mariage constituant des avantages matrimoniaux, quel que soit le régime matrimonial choisi. N’étant plus protégé par son régime, il aura intérêt, en période de paix conjugale, à en changer pour un régime séparatiste et avec, ou sans, société d’acquêts.
En second lieu, le praticien du divorce devra prendre soin de ce sujet en l’articulant avec la demande de prestation compensatoire, afin d’éviter que son client, se croyant faussement protégé par une clause d’exclusion des biens professionnels, se voit condamné à une prestation compensatoire sur cette « fausse réalité » dans le cadre du divorce avant, dans le cadre de la liquidation du régime, de s’apercevoir que son conjoint peut revendiquer la moitié de l’entreprise ou du fonds libéral qu’il croyait protégé …..